Fraude aux CEE : des millions d’euros détournés !

Alors que vient de s'ouvrir la 4e période du dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE), les pouvoirs publics s'inquiètent de la hausse de la fraude aux CEE. Des détournements qui se comptent en dizaines de millions d’euros, selon la Direction générale des douanes ! Mais comment opèrent les fraudeurs ? Quels outils sont à la disposition des pouvoirs publics pour limiter leurs nuisances ? Le maGAZine fait le point.

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En bref : la 4e période du dispositif des CEE

Cette lutte contre la fraude s'inscrit dans le cadre de la 4e période du dispositif des CEE. Au 1er janvier 2018, le dispositif, qui repose sur l’incitation à mettre en place des actions permettant de réduire les consommations d'énergie, est entré dans un nouveau cycle de trois ans. L’État vient ainsi de fixer les objectifs à atteindre par les fournisseurs d’énergie, également appelés « obligés », à l’issue de la période.

Pour chaque action effectuée en faveur de l’efficacité énergétique, des CEE sont mis en vente sur un marché dédié. Les fournisseurs peuvent y acheter des certificats pour répondre aux objectifs fixés par le Gouvernement. Mieux encore : si les obligés financent directement des travaux d’efficacité énergétique, ils obtiennent des CEE sans passer par le marché.

◇ Tout comprendre au dispositif des CEE ◇

« Un dispositif efficace »… mis en danger par la fraude

Les propositions faites aux Français pour les aider à réduire leurs consommations énergétiques se sont multipliées ces derniers mois : isolation des combles à 1 €, ampoules LED gratuites… En novembre, le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, se félicitait, dans une interview accordée au journal Les Échos, de constater que « [les actions liées aux certificats d'économie d'énergie] sont entrées dans leur quotidien, cela a aidé à modifier leur comportement. C'est un dispositif extrêmement efficace. »

CEE : quelles opportunités sont offertes par le dispositif ?

Et pourtant, tout n'est pas rose dans le monde des CEE. Dans son dernier rapport sur les tendances et l'analyse des risques de blanchiment de capitaux, publié en décembre, Tracfin, l'organisme du ministère de l'Économie et des Finances en charge de lutter contre le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent, indiquait avoir observé « une augmentation significative du nombre de dossiers en lien avec la fraude aux CEE ».

Et de constater que « le dispositif des CEE s'apparente à un mécanisme par lequel les grands groupes de l'énergie français sont amenés à financer des réseaux criminels transnationaux ». Ce seraient ainsi plusieurs dizaines de millions d'euros qui disparaîtraient des caisses de l'État, sans raison valable !

Deux types de fraudeurs

Qui sont les fraudeurs aux CEE ? Selon Tracfin, deux portraits-robots ont pu être dessinés :

  • D'un côté, le petit artisan, qui antidate ses travaux, exagère leur montant ou crée de fausses factures. Lesquelles lui permettent de récupérer des sommes plus importantes que celles auxquelles il aurait dû avoir droit.
  • De l'autre, des réseaux structurés, composés d'entreprises créées de toutes pièces uniquement pour détourner des CEE. Et en masse, si possible. « Ce sont les escrocs de la taxe carbone qui se sont recyclés dans l'environnement, expliquait le service d'enquête de la douane au journal Le Parisien. Ils empochent les millions d'euros et se volatilisent à l'étranger au moindre contrôle. »

Un manque de moyens pour contrôler la fraude aux CEE ?

Le « moindre contrôle », justement. Comment l'État s'assure-t-il du respect des règles du dispositif des certificats d'économies d'énergie ? En la matière, c'est le Pôle national des certificats d’économies d’énergie (PNCEE), un service du ministère de l’Écologie créé en 2011, qui est compétent. Ses agents peuvent intervenir à toutes les étapes du dispositif :

  • instruction des demandes de CEE et des demandes d’agrément des plans d’actions des obligés ;
  • délivrance des CEE ;
  • agrément des plans d’actions des obligés ;
  • opérations de contrôle ;
  • constats d’infractions et prononciation de sanctions (2 ans de prison et une amende correspondant à 20 fois ce qui a été illégalement gagné avec les CEE) ;
  • gestion et fixation des obligations individuelles ;
  • information et communication sur le dispositif ;
  • archivage des pièces justificatives…

Seul problème : le PNCEE n'a manifestement pas les moyens de ses ambitions. Des dizaines de milliers de dossiers lui sont remis tous les ans, alors qu'une dizaine d'agents seulement ont pour mission d'effectuer des contrôles approfondis !

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Peu d'évolution à venir ?

Le ministère de l'Écologie s'est récemment dit « conscient » du problème posé par la fraude aux CEE. Néanmoins, aucune modification des textes, aucun durcissement des contrôles, n'ont pour le moment été annoncés.

Il faut dire que cela reviendrait, dans l'opinion publique, à jeter l'opprobre sur toute une corporation, voire à remettre en cause des aides accordées aux particuliers. Pas sûr que de telles décisions motivent les professionnels et les particuliers à investir pour réduire leurs consommations…

La fraude aux CEE représente d’importantes pertes pour l’État, et pourrait bien remettre en cause le bien-fondé du dispositif. Et ce, même si le phénomène est loin d'être généralisé. L’enjeu, pour le Gouvernement, sera de trouver la bonne formule pour lutter contre. Y parviendra-t-il ? Affaire à suivre.

Source image à la Une : Unsplash – Annette Fischer