Gaz en Europe : des capacités de stockage limitées pourraient bien impacter les prix en 2023.

Passerons-nous l’hiver 2023-2024 ? C’est la question que nous nous sommes posée en octobre 2022. Cette question est toujours d’actualité aujourd’hui et loin de nous laisser griser par les niveaux de prix actuels du gaz en Europe, Il est temps de refaire un point sur le sujet. En quoi la capacité maximale des stocks européens est un problème ? Quelles conditions l’Europe doit rassembler pour éviter toute pénurie ou explosion des prix lors du prochain hiver ?

Sommaire

Des stocks qui seront pleins à l’approche de l’hiver 2023-2024…

Outre le fait que nos stocks européens sont déjà remplis à 56 % de leurs capacités maximales, les prix futurs jouent un rôle non négligeable dans les campagnes d’injection à venir.

Les produits futurs, contrairement aux prix spots, sont des produits qu’on paye aujourd’hui pour livraison plus tard. Si l’on regarde les prix du produit “Janvier 2024” qui correspond au pic probable de froid de l’hiver 2023-2024, on constate qu’ils sont en baisse depuis septembre 2022.

PRODUIT : JANVIER 2024

30 SEPTEMBRE 202230 DÉCEMBRE 202231 MARS 2023
172€86€59€

Le même phénomène est observé sur le produit Juillet 2023 qui incarne plutôt bien les prix de l’été.

PRODUIT : Juillet 2023

30 SEPTEMBRE 202230 DÉCEMBRE 202231 MARS 2023
175€82€47€

Comparons maintenant le spread entre ces deux prix, c'est-à-dire la différence entre un prix hivernal et un prix estival (dans le cas présent).

30 SEPTEMBRE 202230 DÉCEMBRE 202231 MARS 2023
-3€4€12€

Le spread été/hiver augmente depuis 6 mois. Autrement dit, il devient de plus en plus intéressant d’acheter du gaz durant l’été 2023 pour le stocker en espérant pouvoir en tirer quelque chose durant l’hiver suivant.

… qui ne permettent pas de compenser seuls le déficit d’approvisionnement.

L’Europe dispose de 1 129 TWh de capacités de stockage de gaz naturel, soit 29 % de sa consommation annuelle. Donc quand bien même ces derniers seraient remplis à 100 % les stockages ne suffiraient pas à compenser, seuls, les 1 500 TWh que nous devons récupérer ou économiser afin de compenser l’absence de gaz russe.

Nous l’avions déjà évoqué dans cet article du MaGAZine en octobre dernier. L’Europe en 2022 a continué de recevoir du gaz en provenance de Russie. Les choses commencent sérieusement à se gâter juste après l’été avec l’explosion du gazoduc Nord Stream 1.

En revanche, en 2023, il faudra faire toute l’année sans gaz russe ou presque. L’Europe doit trouver (ou ne pas consommer) 1 500 TWh. Comment pourrait-elle s’y prendre ?

Tout d’abord, l’Europe compte énormément sur la sobriété énergétique. L’ensemble des mesures demandées aux pays membres devraient permettre de réduire la consommation de 600 TWh sur l’année. Ce qui représente déjà 40 % des 1 500 TWh recherchés. En début d’année 2023 la Commission Européenne a demandé de renforcer cette réduction de la consommation d’énergie. Il y eut une certaine flexibilité auparavant mais désormais tous les acteurs sont conscients de la rigidité du marché européen et de l’effort économique nécessaire pour sécuriser l’approvisionnement en GNL.

Ensuite, l’Europe cherche, depuis le 24 février dernier à diversifier ses sources d’approvisionnement. Dans sa quête du TWh, l’Europe pourra compter sur le GNL Texan qui retrouve peu à peu son plein potentiel, environ 60 TWh. A celà nous pouvons ajouter le gaz en provenance d’Azerbaïdjan ou d’Algérie qui pourrait représenter environ 100 TWh supplémentaires. D’ailleurs le 25 avril 2023 ouvrira la plateforme pour les achats groupés de l’Union.

En revanche, nous ne compterons pas trop sur l’exploitation gazière au sein de l’UE. La relance de Groningen aurait un coût environnemental beaucoup trop élevé. De même, il ne faudra pas trop compter sur un ralentissement de l’économie chinoise. La politique zéro covid est terminée depuis un moment et la reprise économique semble s’opérer au regard de l’augmentation de la consommation de pétrole russe bradé.

Enfin, nous disposons, à la fin de l’hiver 22-23 de 56 % de nos réserves de gaz naturel. Un volume de gaz que nous devons tout autant à la campagne d’injection massive de l’été dernier qu’aux températures clémentes. Autrement dit, nous disposons de 630 TWh stockés alors que les injections viennent à peine de débuter.

L’Europe devrait pouvoir compenser plus de 90 % des quantités de gaz russe qu’elle ne reçoit plus. Mais des doutes subsistent encore au niveau des prix que nous connaîtrons l’hiver prochain pour aller chercher les 10 % restants. Les entreprises pourraient voir dans le spread été-hiver actuel une occasion de consommer massivement l’été prochain en anticipant un hiver plus compliqué au niveau des prix du gaz. Dans tous les cas, la Weekly, notre newsletter des prix, continuera de suivre la situation chaque lundi.