L’Allemagne se dirige-t-elle vers une sortie du charbon ?

Après Fukushima, l’Allemagne a exprimé sa volonté de sortir du nucléaire à l’échéance 2022. Une déclaration décriée par beaucoup de spécialistes qui craignaient qu’une telle initiative impose un plus fort recours au charbon, une source d’énergie extrêmement polluante. Et pourtant ! Une sortie du charbon en Allemagne semble aujourd'hui envisageable. Dans quelles conditions ? Quels freins sont à considérer ? Décryptage.

Sommaire

◇ Quid du nucléaire en France ? ◇

La situation énergétique de l’Allemagne

Comme l’affirment les partisans de l’énergie nucléaire en France, la sortie du nucléaire a-t-elle entraîné une hausse drastique de la consommation de charbon en Allemagne ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • 2010 : le nucléaire représente 27 % de la production électrique. Le charbon est à l’origine de 43 % de l’électricité (25 % pour le lignite, 18 % pour la houille).
  • 2012 : quelques mois après la décision de l’Allemagne de fermer une partie de ses réacteurs, la part du nucléaire tombe à 21 %. La part du charbon augmente légèrement : environ 45 %.
  • 2016 – année du dernier bilan du mix énergétique allemand : le nucléaire ne représente plus que 13 % de la production d’électricité. La part du charbon diminue  pour atteindre 41 % : c’est moins qu’en 2010, lorsque nucléaire et charbon cohabitaient au sein du système électrique Outre-Rhin !

L’équation est simple : l’arrêt du nucléaire n’a pas entraîné d’explosion de l’usage du charbon en Allemagne. Ce qui a changé ? Le développement des énergies renouvelables dans le cadre de la transition énergétique du pays. Avant la baisse du recours au nucléaire, celles-ci couvraient 16,5 % de la production d’électricité. En 2016, ce chiffre a presque doublé ; il atteint 29,5 %. Le Gouvernement voit même plus loin : l’objectif est d’approcher les 45 % avant 2025 !

La Chine aussi se tourne vers les énergies renouvelables

Une sortie totale du nucléaire d’ici 2022

L’Allemagne est sur le chemin d’une sortie totale du nucléaire. Pas moins de 80 % des Allemands ne croient plus du tout en cette énergie. Ainsi, il ne reste sur le territoire que quelques centrales en fonctionnement. La dernière devrait fermer ses portes en 2022.

Tout cela a bien sûr un coût, partagé entre les 4 grands groupes d’électricité (Vattenfall, EnBW, RWE et E.ON) et les contribuables allemands. Au total, 17 centrales devront être démantelées. Montant prévisionnel de la facture : 50 milliards d’euros.

La Suisse s’est récemment prononcée contre l’arrêt du nucléaire

Vers une sortie du charbon en Allemagne ?

Prochaine étape : une sortie du charbon ? L’idée est sérieusement étudiée en Allemagne. L’ONG Les amis de la Terre estime que cette sortie doit se faire avant 2030. Quant à la WWF, elle vise plutôt 2035, avec des premiers arrêts de centrales en 2019 et aucun impact sur la sécurité de l’approvisionnement.

Côté politique, la volonté de sortir du charbon commence à émerger. Lors de leur dernier congrès, les Verts ont pris position en faveur de ce projet, « dans les 20 prochaines années », avec arrêt le plus rapide possible des centrales considérées comme les plus polluantes. Die Linke (gauche) a adopté la même position, bien que les sections régionales, notamment en Brandebourg, sont moins motivées à l’idée de menacer des bassins d’emplois, sans garantie que les énergies renouvelables compenseront les postes supprimés dans les mêmes zones géographiques.

Selon le syndicat des mines IG-BCE, plus de 29 000 personnes travaillent dans les mines et les centrales à charbon. Autant d’emplois qu’il faudra transformer. Pour cette même raison, le SPD (parti social-démocrate), au pouvoir dans de grandes régions minières, est quant à lui réticent à toute sortie définitive du charbon. Au sein du parti d’Angela Merkel, des discussions s’engagent sur le sujet. La partie n’est donc pas jouée d’avance.

Un fonds créé pour la transition sociale ?

La fédération syndicale du tertiaire, Verdi, a pour sa part mis sur la table une proposition : la création d’un fonds pour les anciens employés des centrales fermées. Celui-ci aurait pour rôle de fournir un revenu équivalent au salaire jusqu’au retour à l’emploi, ou jusqu’à la retraite pour ceux qui ne pourraient en retrouver. Ce fonds pourrait être financé par une taxation des émissions de CO2 des centrales à charbon.

Certes, il n’en est qu’à l’état de proposition. Mais Verdi représentant 15 000 employés de ces centrales, n’est-ce pas le signe que la sortie du charbon en Allemagne apparaît inéluctable ?

Selon les scientifiques et chercheurs, la sortie du charbon en Allemagne est faisable, et les énergies renouvelables sont prêtes à prendre le relai. Comme elles l’ont fait, d’ailleurs, pour le nucléaire. Reste à créer une véritable dynamique politique autour de ce projet !

Source image à la Une : Pixabay  – RoDobby