[Interview] La smartdata, nouvelle ressource d’optimisation énergétique – Vincent Sciandra

Vincent Sciandra, directeur général de la société Metron, specialisée dans l’intelligence énergétique nous apporte un premier éclairage sur le potentiel de la révolution "smart".

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Pouvez-vous nous présenter Metron ?

Metron est un opérateur de performance énergétique créé il y a trois ans, et aujourd’hui en très forte croissance. Notre équipe, très axée sur la recherche et développement, se compose de 12 personnes : ingénieurs, doctorants et docteurs. Notre objectif est d’aider tout type d’industriel à optimiser sa consommation énergétique. Ceci grâce à une plateforme qui nous permet de collecter toutes les informations existantes sur leur site industriel (qui concernent les machines, les automates, les compteurs énergétiques, les bases de données…) pour les croiser avec les informations qui entourent leur métier et qui proviennent des différents marchés énergétiques, des producteurs ou de leurs fournisseurs.

Quels sont les bénéfices pour le consommateur final ?

Ils sont de plusieurs niveaux. Le premier est de lui fournir une visibilité claire, intelligible et analysée de tous ses flux énergétiques. En sachant de manière continue où se dirige l’énergie - qu’il s’agisse de gaz, d’électricité, mais aussi d’énergies transformées telles que la vapeur ou l’air comprimé -, on obtient une cartographie précise. Ceci lui permet avant tout de comprendre sa consommation. Deuxième aspect : la capacité de relier cette consommation avec ce qui se passe au niveau de son compteur, et donc de savoir si son contrat de fourniture est bien adapté ou s’il y a lieu de l’optimiser. Enfin, grâce aux algorithmes que nous développons, il est en mesure de prévoir sa consommation future et donc de prévoir son budget énergétique.

Par ailleurs, l’autre pilier de Metron est le contrôle commande, autrement dit la capacité à piloter des systèmes pour optimiser le rendement énergétique des machines.

Pour résumer, le processus est le suivant : rendre visible l’énergie consommée, la comprendre, détecter ce qui peut être amélioré et piloter les éléments de la chaîne de production qui peuvent être automatisés pour économiser de l’énergie.

Comment définissez-vous le smartdata appliqué au monde de l’énergie ?

Pour nous, derrière chaque molécule ou chaque électron, il y a une donnée. Le principe est de la connaître afin de transformer l’énergie en data. Ensuite, il faut pouvoir y accoler de l’intelligence, donc développer des algorithmes pour savoir si cette donnée est optimisable ou valorisable. Notre objectif est de la tracer à chaque niveau de production pour la valoriser à un instant t. Parce que les marchés évoluent et que l’on doit pouvoir se dire à un moment précis : est-ce que je consomme cette énergie ? à quel prix ? est-ce que je peux l’optimiser ?

Pensez-vous que les usages vont s’en trouver transformés ?

Sans aucun doute. Demain, les utilisateurs finaux, industriels comme particuliers, auront plus d’indépendance sur la consommation mais aussi la vente de leur énergie. Ils seront en mesure de mieux négocier avec les producteurs d’énergie car ils seront conscients de la valeur de cette énergie à tout instant. Cela change profondément les façons de penser les projets et la gestion de ces projets. Optimiser son énergie devient un métier à part entière. Certaines entreprises ont déjà mis en place des équipes pour gérer leur énergie, non plus comme un coût mais bien comme une matière première, une source de profit.

Cela veut dire des réseaux moins centralisés ?

Exactement. C’est notre vision profonde, et même l’axe de développement de Metron jusqu’en 2020 : mettre en place des solutions pour gérer la décentralisation de l’énergie. Des pools de producteurs indépendants vont se créer pour valoriser au mieux leur énergie, choisir de la vendre, de la consommer ou de la stocker. Le stockage demeure encore le problème majeur mais il tend à être résolu, ce qui va considérablement décentraliser le marché. Cela introduit un autre enjeu majeur : l’équilibrage du réseau, que viendront soutenir les smartgrids. Déjà, des solutions comme les nôtres permettent d’anticiper ce qui est produit et consommé pour affiner au mieux les échanges entre pays, entre régions mais aussi entre particuliers dans le cadre d’un marché en gré à gré. Nous avons dans les tiroirs des projets extrêmement sophistiqués pour nous adapter à ce nouvel écosystème : optimisation solaire, couplage avec des systèmes de stockage… Des solutions innovantes que nous proposerons notamment aux pays en voie de développement, qui ont besoin de ces options décentralisées.

Cette révolution de la smartdata aura-t-elle des implications sur l’offre des opérateurs ?

C’est en partie ce que l’on développe et commercialise depuis quelques mois chez Metron : donner de la visibilité aux producteurs d’énergies pour qu’ils s’adaptent à la demande. Dès lors qu’ils peuvent anticiper les consommations à la minute près, ils limitent leurs risques en matière de production et d’équilibrage des réseaux. Aujourd’hui, ils maîtrisent l’offre, mais la demande devient de plus en plus complexe, notamment en raison de la décentralisation. L’information et la visibilité sur cette information vont donc devenir de plus en plus importantes.

Plus de complexité, cela veut dire aussi plus de vulnérabilité ?

Potentiellement, oui. En parallèle de cette évolution, il va donc falloir plus de sécurisation et de certification. La pertinence de la donnée est essentielle. Or, qui prendra la responsabilité en cas d’erreur sur quelques centaines de kilowatts ? C’est pour cette raison que Metron a un ADN informatique. Nous travaillons sur des concepts très sophistiqués de certification de la donnée à travers la technologie de blockchain. Il faut être capable de crypter la donnée et de la certifier par l’entremise d’une entité tiers.

De quelle manière doit-on s’y prendre pour sensibiliser les utilisateurs finaux à ces nouvelles problématiques ?

Avant tout, nous n’avons pas de discussion d’ordre technologique avec les industriels. Au fond, savoir que telle ou telle technologie est mise en place ne leur apporte pas grand chose, ce qu’ils veulent c’est économiser leur énergie, être convaincus qu’ils peuvent le faire et qu’on le leur garantisse. La sensibilisation passe donc par une démystification de la technologie, de la smartdata. Il s’agit de faire le lien entre leur métier et l’analyse de la donnée pour en venir à un projet concret d’efficacité énergétique. Et donc, cela passe par de l’information !

Vous souhaitez justement plus d’information ? Cela tombe bien ! Lors du prochain Energy Time Paris, Vincent Sciandra animera une keynote sur l’optimisation énergétique grâce aux données intelligentes.